Le silence imposée aux femmes africaines : une réflexion sur l’affaire Pélicot !

Le procès de Pélicot, une affaire qui a choqué la France, met en lumière des enjeux profondément ancrés de nos sociétés, notamment en ce qui concerne la confiance au sein des couples et le silence qui entoure les violences faites aux femmes. Dans cette affaire, une femme accuse son conjoint de viol, un acte qui bouleverse la perception du mariage comme espace de sécurité et de soutien mutuel. Ce procès qui certes se passe en France pour moi soulève des questions fondamentales sur la capacité des femmes africaines à faire confiance à leurs partenaires et sur les barrières culturelles et économiques qui les empêchent souvent de dénoncer les abus dont elles sont victimes.

En Afrique, le mariage est perçu comme un pilier essentiel de la société, symbole de stabilité et d’engagement. Les femmes, en particulier, sont encouragées dès leur plus jeune âge à voir le mariage comme un accomplissement et une source de sécurité. Pourtant, comme le montre l’affaire Pelicot, ce cadre supposé protecteur peut aussi devenir un espace de violence et de souffrance. La confiance, essentielle dans toute relation, est gravement compromise lorsque la femme ne peut pas compter sur la protection et le respect de son conjoint.

Dans de nombreux cas, les femmes africaines ont du mal à parler des violences subies de la part de leurs maris, par peur de représailles ou de rejet par la société. La trahison de la confiance au sein du couple laisse des séquelles profondes, et, pour ces femmes, admettre que celui en qui elles ont placé leur confiance et leur sécurité est aussi l’auteur de leurs souffrances est un pas difficile à franchir. Elles se retrouvent piégées entre un idéal de mariage heureux et la réalité douloureuse de l’abus.

En Afrique de l’Ouest, des concepts culturels comme le masla (compromis en wolof) et le soutura (discrétion ou pudeur en wolof) sont souvent invoqués pour justifier le silence autour des violences conjugales et sexuelles. Ces valeurs prônent la discrétion et la préservation de la réputation familiale, parfois au prix du bien-être des femmes. Ainsi, beaucoup de femmes choisissent de ne pas dénoncer les abus, pour éviter de « salir » l’honneur de la famille ou de nuire à l’image de leur mari.

Dans l’affaire Pélicot, comme dans de nombreux cas similaires, les pressions sociales poussent les victimes à « garder le silence », en leur faisant porter le poids de la honte, alors que la honte devrait incomber aux agresseurs. Le viol conjugal est rarement évoqué, car il remet en question la soumission attendue des femmes dans le mariage et soulève des questions difficiles sur les droits des femmes à l’autonomie corporelle, même au sein du foyer.

Ce silence imposé par le masla et le soutura entrave non seulement la dénonciation des abus, mais prive aussi les victimes de la possibilité de guérison et de soutien. Cela contribue à la perpétuation d’une culture de l’impunité, où les hommes peuvent, en toute tranquillité, abuser de leur position de pouvoir dans le mariage sans craindre de conséquences.

La dépendance économique des femmes à leur conjoint constitue un autre obstacle majeur à la dénonciation des violences. En effet, beaucoup de femmes africaines, notamment en milieu rural, dépendent financièrement de leurs époux pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants. Cette dépendance les expose à des abus et limite leur liberté d’action.

Dans le cas d’un mariage violent, cette dépendance rend les femmes particulièrement vulnérables, car elles savent que dénoncer leur conjoint pourrait signifier perdre leur unique source de revenus et de sécurité matérielle. La peur de se retrouver sans abri, sans ressources et, parfois, sans le soutien de leur propre famille les pousse à garder le silence. Cela met en évidence l’importance cruciale de l’autonomisation économique des femmes africaines, qui devrait inclure des programmes de formation, d’accès à l’emploi et d’éducation financière.

Le procès Pélicot nous interpelle sur le besoin de changement en profondeur dans nos sociétés . La violence conjugale et les abus sexuels doivent cesser d’être considérés comme des sujets tabous et honteux pour les victimes. Nous devons pouvoir dénoncer sans crainte, en étant soutenues par nos familles, notre communauté et un système juridique qui respecte nos droits.

Briser le silence est une étape cruciale vers l’autonomisation des femmes et la construction d’une société plus juste et plus égalitaire. Ce processus demande des réformes, une sensibilisation accrue et une redéfinition des valeurs culturelles pour permettre aux femmes africaines de vivre dans la dignité, le respect et la sécurité.

Nana Triban

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